Récit de notre voyage en taxi-brousse : RN13 Fort Dauphin - Antananarivo

Saturday 12 July 2025 11:06







C’était un mardi matin de bonne heure, vers 6.30. Le soleil se levait à peine sur Fort Dauphin quand nous avons pris place, mes quatre collègues et moi, dans un vieux taxi-brousse chargé jusqu’au toit, qui devait nous conduire jusqu’à Antananarivo. Nous étions excités, motivés par la mission accomplie dans le sud, mais aussi un peu inquiets : 1135 kilomètres nous attendaient, faits de poussière, des pistes défoncées, et bien sûr, les imprévus habituels…













Jour 1 :

Le Départ est sensé avoir lieu à 6h30. Puis maintenant il est 10h26 nous sommes toujours sur place. Enfin, on roule. L’enthousiasme et la première surprise.  Les premiers kilomètres ont été plutôt tranquilles. On rigolait, on chantait, on partageait du pain coco. Mais à peine arrivés à Ampamata, sur la RN13, le moteur a surchauffé. Le radiateur fuyait. Le chauffeur a rafistolé ça avec du tissu et un peu de savon – technique locale. Après deux heures d’arrêt sous le soleil, nous avons repris la route, plus silencieux cette fois.














Jour 2 – Panique à bord

Nouvel arrêt à Beraketa : le moteur surchauffe encore. Cette fois, le chauffeur descend… et découvre, stupéfait, qu’un des pneus arrière jumelés a disparu.. Nous roulions depuis des kilomètres sur une jante !

À peine repartis, autre incident : une épaisse fumée s’échappe de l’échappement. Une femme crie, affolée : « Au feu ! Au feu ! » La panique s’installe. Les passagers, terrorisés, essaient de sortir par tous les moyens. Certains brisent les vitres pour s’échapper, enfants dans les bras. Le taxi-brousse roulait encore doucement…

Le chauffeur, furieux mais calme, tente de rassurer tout le monde : « C’est normal, on vient de traverser un petit lac, la vapeur est due au choc thermique… ». Peu convaincus, mais soulagés que ce ne soit pas un incendie, nous reprenons la route dans un silence pesant.

Nous roulons de nuit, dormant par tranches. Plusieurs chauffeurs prennent le relais, on dînait  dans une petite auberge sans eau courante, mais avec un bon plat de vary sy hen’omby sauce.













Jour 3 : La zône rouge et la casse.

Entre Isoanala, Betroka et Ihosy, nous avons traversé la zone rouge — un secteur tristement réputé pour la présence des « malaso », ces bandits armés qui sévissent dans la région. La route, déjà difficile, devenait presque irréelle : le moteur surchauffait, la voiture tombait régulièrement en panne, et chaque arrêt était source d’inquiétude. Même au fameux “Tampon’Ihorombe”, un endroit que tous redoutaient pour son risque élevé d’attaque, nous avons dû stopper.

L’ambiance à bord était tendue. Le stress montait, les voyageurs commençaient à se disputer, et les pleurs des bébés résonnaient dans la nuit, malgré les consignes strictes de rester silencieux pendant la traversée de cette zone à haut risque.


Lorsque nous sommes enfin arrivés à Ihosy, ce fut un vrai soulagement. Même si la route restait longue, nous avions l’impression d’avoir franchi une étape importante.

Entre Ihosy et Ambalavao, la route était un peu plus praticable… jusqu’à ce que le pot d’échappement tombe brusquement, en plein virage. Le bruit était tellement fort qu’on ne s’entendait plus parler dans le taxi-brousse, une roue arrière s’est mise à claquer. Un boulon manquait. Nous avons dû attendre trois heures au bord de la route, avant qu’un camion de passage nous aide.


Nous avons diné à Ambalavao, exténués, mais pas de retour en arrière possible. 

Nous traversons Fianarantsoa. Le reste du trajet vers Antsirabe se fait lentement, avec de nombreux arrêts. Toujours pas de nuit à l’hôtel : nous dormons comme on peut, roulés dans nos vestes.













Jour 4 : Dernière ligne droite vers Tana.

Nous arrivons à Antsirabe à l’aube. Le ciel est gris, l’air plus frais. 

Fatigués mais proches du but, nous avons quitté Antsirabe vers 8h. La nationale était en meilleur état. Des contrôles de gendarmerie tous les 50 km. À chaque fois, notre chauffeur trouvait les mots – pour que ça passe.

À 15h, nous avons vu les lumières d’Antananarivo apparaître à l’horizon. Nous avons applaudi en arrivant à la gare routière de Fasankarana.

Quatre jours d’aventure, de rires, de silence, de courage, de poussière rouge et de liens renforcés. Mission accomplie.


Quatre jours d’aventure, de pannes, de secousses, de poussière rouge, de silence et de rires.

Mais surtout, quatre jours qui nous ont laissé à réfléchir.


Parce qu’au-delà des anecdotes, ce voyage soulève des questions importantes.

L’état de la RN13, par exemple, rend les déplacements incroyablement longs, parfois dangereux. On se demande quelles solutions sont envisagées pour améliorer cette route, si essentielle pour relier le Sud au reste du pays.


Et que dire de la traversée des zones rouges ? Même si tout s’est bien passé pour nous, le stress était bien réel. La peur aussi. On pense à tous ceux qui empruntent cette route chaque jour. Quelles protections sont mises en place pour assurer leur sécurité ?


La panique à bord, lors de la fumée, nous a aussi interpellés. Une situation qui aurait pu virer au drame.

Une simple formation aux premiers secours, une sensibilisation sur la gestion de crise ou la sécurité en transport collectif aurait sans doute tout changé.


L’éducation a un rôle fondamental à jouer, pas seulement à l’école, mais dans la vie de tous les jours. Éduquer aux bons réflexes, à la communication en situation de stress, à la solidarité… Ce sont des savoirs qui sauvent. Car si le feu n’était pas réel, la peur, elle, l’était bel et bien.


Alors oui, nous sommes arrivés à destination. Mais on garde aussi en tête que le chemin est encore long — pas seulement en kilomètres.

Souhaitons que nos routes, comme nos esprits, s’ouvrent un peu plus à l’avenir. Pour que ces longs trajets deviennent moins risqués, et toujours aussi riches en humanité.